Arrêtons de parler du FN

Les politiques français sont obsédés par le FN. Pourtant, ils feraient mieux de recentrer la discussion sur leur propre contribution politique positive, plutôt que de s’efforcer diaboliser – inefficacement – le FN. La contreculture d’extrême droite pend au nez des Français et il est nécessaire de changer de stratégie.

Le doute a existé de tout temps. Mais aujourd’hui, il est majoritaire en France. Les gens transpirent le doute. Un sentiment renforcé par la colère et la frustration causées par la perte de repères. Le sentiment d’une identité française (qui est souvent au centre de cette perte) s’est perdu petit à petit dans le processus de la mondialisation et de la construction européenne – et tout ça a été renforcé par le développement du phénomène d’Internet. En somme, à l’heure de l’esprit internet, les gens préfèrent chercher eux-même leurs symptômes et trouver la maladie sociale qu’ils jugent en être la cause, plutôt que d’entendre sans cesse les médecins de la pensée leur prescrire des doses morales pour des maux qu’ils n’ont pas ou du moins ne décèlent pas en eux. Il n’y a donc plus d’effet placebo dans le discours politique. Le médicament de la politique classique reste impuissant et pire, il agace.

Dans les moments d’agacement national où tout semble bouché (comme c’est le cas actuellement), il n’y a rien de pire que de diaboliser systématiquement – de manière répétitive et mauvaise – l’ennemi de la norme, voire de la bien-pensance. La norme ne marche pas, alors pourquoi ne pas la changer ?

En somme, c’est un peu le même principe que la contre-culture; quand il n’y a rien d’intéressant dans l’ensemble horizontal des choses, quand ça ne marche pas et/ou quand il n’y a qu’une stagnation infertile, une frange de la population cherche dans la verticalité – soit l’underground. Malheureusement, l’underground politique a pris une tournure sombre mais voilée, de par la nature pernicieuse du FN, qui se cache sous les sourires de Marine et Marion Maréchal, mais continue à intervalles réguliers de régurgiter son lot de commentaires racistes et de politiques douteuses – quand on baisse la tête dans les moments durs on ne voit qu’en bas.

C’est vrai, on sait que le Front National est un parti qui se nourrit du chaos politique alors pourquoi en faire constamment la publicité dans cette période de doute? Chaque fois que je zappe ou que je prends un journal, le mot «FN» revient. On est bombardés de FN – une pub à répétition qu’aucune marque ne pourrait se payer. Dans le domaine du marketing, on dit que c’est par la répétition qu’une marque s’établit dans le cerveau du consommateur – cette technique permet d’être dans la tête des gens lorsqu’ils sont prêts à consommer un produit ou un service. Or, dans le cadre de la politique, la consommation c’est le vote. Le FN vole ainsi des votes – à l’extrême gauche à qui il a emprunté une partie de son programme (économique du moins) et à la droite que ses électeurs jugent trop molle.

On est obsédé avec le FN – la gauche le rejette sans cesse et la droite englobe ses thèmes pour le déposséder, à tort. Bénéfique à court terme pour une droite et une gauche menacée? Peut-être. Mais qu’en est-il du long terme? On crée une course de l’absurde, un jeu sordide où le FN laisse la main à ceux qui, tour à tour, trébuchent en essayant de le (re)diaboliser ou de le discréditer. Le FN ne fait rien à part se contenir. Il attend ainsi patiemment que le fossé entre le public et les partis classiques se creuse, pour s’y engouffrer et pour que les électeurs tombent dans ses bras ouverts. Et qu’ils tombent vite. En effet, cette tactique marche de mieux en mieux – comme l’a prouvé le récent score du FN aux municipales.

Le meilleur moyen de persuader n’est-il pas peut-être plutôt de ne pas persuader? On veut faire le bien – l’enfer est pavé de bonnes intentions – mais nous mettons le FN au premier rang en les désignant comme point de comparaison constant. On leur bâtit une une base (médiatique), une base que l’on contribue à rendre de plus en plus solide. Alors, si la conjoncture sociale et économique ne s’améliore pas rapidement, l’esprit des citoyens finira peut-être par abandonner ses réticences et accepter le FN. C’est sur ça qu’il faut bosser. C’est pourquoi, contrairement à ce que pense Manuel Valls, il faut arrêter de systématiquement intervenir dans le débat politique en mettant le FN au devant de la scène. Le but n’est pas de bloquer le Front National par des attaques, mais de remédier au malaise national par la politique. C’est la gauche au pouvoir et la droite, qui fait partie intégrante du débat, qui ont l’obligation de mener cette lutte. Il faut guérir la société en coupant la racine infectée à sa base, pas en passant de la pommade sur une plaie ouverte.

Et faisons-le vite. L’épisode théâtral qui secoue la famille Le Pen ne fait qu’accélérer les choses. La diabolisation du Front National? Encore un problème résolu par la chef actuelle du parti. Marine Le Pen s’affranchit de Jean-Marie; le FN s’offre un coup de jeune. Coup double. La fille Le Pen n’a jamais été aussi proche de réussir avec un programme politique qui n’est pourtant pas loin de 0.

Ecrit par Félix Macharez, écrivain et journaliste freelance

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