Si vous demandez à n’importe qui - initié ou amateur d’art - de nommer cinq artistes, vous obtiendrez presque automatiquement cinq noms d’hommes. Bien que depuis quelques années les femmes aient plus ou moins accès aux mêmes opportunités au sein du monde de l’art, elles sont encore peu mentionnées, peu exposées, et donc peu reconnues. Dans ce contexte, la fondation AWARE (Archives of Women Artists Research and Exhibitions) joue un rôle crucial.
C’est en 2014 que Camille Morineau, commissaire d’expositions, décide de fonder AWARE avec l’objectif de replacer les artistes féminines méconnues du XXème siècle dans l’histoire de l’art. Après avoir été commissaire de l’exposition « elles@centrepompidou » à Paris, destinée à mettre en avant des artistes modernes et contemporaines, elle s’est rendue compte qu’il existait très peu de documentation sur celles-ci. Bien que spécialisée dans l’histoire de l’art du XXe siècle, Camille Morineau a dû entreprendre un laborieux travail de recherche afin de dénicher les artistes féminines oubliées de l’art moderne et contemporain, ainsi que de les replacer dans le mouvement adéquat duquel elles furent écartées.
Dans le but de rendre le travail de documentation d’histoire de l’art plus paritaire, AWARE agit, d’une part, comme un centre de ressources en ligne consacré aux femmes artistes du XXème siècle. D’autre part, l’association et son équipe participent à augmenter la visibilité de toutes ces artistes issues des quatres coins du monde, à travers des colloques, des visites de musées ou encore grâce au prix Aware. Celui-ci est décerné chaque année à une artiste confirmée - qui reçoit le prix d’honneur - mais également à une artiste émergente, afin de lui offrir la reconnaissance qu’elle mérite. Cette année, le prix Aware a été décerné à l’artiste Tiphaine Calmettes, tandis que le prix d’honneur est revenu à Marie Orensanz.
Avec plus de 600 biographies d’artistes internationales ressorties de l’ombre par un comité scientifique ainsi que des professionnels du monde de l’art, l’encyclopédie en ligne offerte par AWARE constitue une source d’informations gratuite, incroyablement dense et accessible à tous. L’une de leurs colloques à venir en 2021 sera centrée sur les artistes femmes africaines, celles-ci étant victimes d’une sous-représentation encore plus importante que leurs consoeurs européennes ou américaines.
Il est souvent considéré que le monde de l’art contemporain ne porte plus préjudice aux femmes artistes. Bien que celles-ci soient à présent majoritaires dans les écoles d’art, les chiffres montrent cependant qu’elles restent une minorité à remporter des prix tels que le Turner Prize en Angleterre ou le Prix Marcel Duchamp en France. Seulement 20% à 30% des lauréat.e.s de ces prix sont des femmes, ce qui démontre la nécessité d’initiatives comme le prix Aware afin que celles-ci soient justement récompensées. De plus, la valeur marchande des oeuvres réalisées par des femmes reste nettement inférieure à celles réalisées par des hommes, et seulement 20% des femmes artistes parviennent à vivre de leur travail.
La fondation AWARE participe alors à la reconnaissance des femmes dans le monde artistique en les aidant à regagner leur titre, car sans informations ni documentations, il sera toujours difficile de les exposer et de les mentionner. La fondation agit donc non seulement auprès des professionnels de l’art mais aussi du grand public, en facilitant et encourageant l’attention prêtée aux femmes dans l’art.
Enfin, bien que depuis quelques années on puisse observer un intérêt croissant pour le travail des femmes dans l’art, de nombreuses idées préconçues circulent encore. Par exemple, on entend souvent que les femmes artistes sont généralement peu mentionnées en histoires de l’art, car elle ne produisaient pas d’art à l’époque. Il est vrai que certaines époques n’offraient pas la possibilité aux femmes de suivre une formation artistique, mais cela n’empêchait pas certaines de peindre. De la même manière, certains mouvements artistiques plus modernes tels que le cubisme ou l’expressionnisme abstrait sont souvent qualifiés de « masculins » afin de justifier le peu de visibilité données aux femmes artistes. Or, si certains de ces mouvements sont « plus masculins » que d’autres, c’est seulement car les critiques d’art de cette époque ont décidé de ne pas écrire sur la pratique artistique des femmes. Étant donné que ces mouvements datent du XXe siècle, les femmes étaient bel et bien présentes dans le monde de l’art et c’est ce que les archives mises en place par la fondation AWARE démontrent largement.