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Je rêve du jour où le style guérira notre obsession de performance et de normativité

Dans notre société de paraître et d’éternelles insatisfactions, l’incommunicabilité a atteint un paroxysme qui affecte notre bien-être collectif. L’obsession de la performance et de la normativité a restreint notre potentiel émotionnel et créatif. Dans ce contexte, se réinventer n’a jamais été aussi tendance…

La prémisse du style vestimentaire réside dans l’essence polysémique du vêtement. Celle-ci s’est évaporée de nos identités introspectives et est devenu qu’un bien à fonction unique. A l’origine, les vêtements aux caractéristiques féminines n’appartenaient ni à un genre ni à l’autre. C’est la stigmatisation stylistique qui a créé l’objectivation de l’identité féminine ou masculine par le vêtement. Aujourd’hui, le vêtement permet indéniablement de s’identifier en matière de genres; l’exemple le plus flagrant en étant la robe. Pourtant, cette dernière a fait un retour progressif dans le vestiaire masculin : habiller l’homme de tenues aux coupes amples et surdimensionnées peut ainsi être interprété comme une manière de rééquilibrer la question des genres. L’amplitude d’un vêtement, aussi bien chez l’homme que chez la femme, peut à la fois construire un modèle stylistique androgyne et dissimuler l’anatomie biologique. Ainsi, réinterpréter les frontières stylistiques permet une libération des connotations stéréotypées des vêtements.  

Se créer une identité stylistique permet d’évacuer les sources de négativité qui dénaturent la construction saine de nos relations interpersonnelles. De ce fait, plusieurs méthodes existent afin de renouveler l’énergie spirituelle qui nous habite : la méthode « KonMari », par exemple, favorise l’épuration de notre espace de vie en valorisant la joie que nous procure chaque bien matériel. Ce processus de désencombrement peut s’appliquer dans une approche plus minimaliste et spirituelle du style vestimentaire. Ainsi, un style plus assumé qui déconstruit les genres masculin et féminin favorise l’ouverture d’un nouveau langage non verbal qui a le pouvoir d’extérioriser nos diverses inhibitions intimes. Ce nouveau langage agit comme un moteur de recherche stylistique qui permet d’employer une approche plus affirmative, ludique et créative du style, au-delà des désirs vestimentaires éphémères et à la mode.

Porter un vêtement qui emprunte des codes du sexe opposé confère ainsi une aura mystique d’acceptation du corps. Souvent enfermée dans les apparences, notre nature craintive a tendance à exacerber le refus, l’insatisfaction et l’individualisme.

Notre style est une manière de s’offrir aux autres sans contraintes et sans explications superflues.

Un style déconstruit par l’unisexe renvoie à un sentiment de plénitude dénué de mépris, et qui s’inscrit dans un espace non fragmenté. Peut-on rêver d’un jour où nos limitations vestimentaires disparaîtront, où les lignes de vêtements minimalistes deviendront accessibles aux deux sexes dans une optique de collectivité ?

Je suis convaincu qu’un jour, le désir de changement et de transformation qui nous plaît tant dans la mode ne se traduira plus par des achats compulsifs axés sur la perfection d’une garde-robe normative. Le temps est venu de célébrer notre intériorité vulnérable et de désencombrer nos plaies collectives qui nous mènent à la jalousie, la haine et la supériorité. En percevant notre langage vestimentaire différemment, notre société ne sera plus axée sur le soi, mais ouvrira le débat sur l’inclusion de l’autre; l’autre comprenant non seulement notre identité humaine, mais aussi tous les êtres vivants impliqués dans la création de notre style.

Je rêve du jour où un contact mutuel et collectif transcendera tous les êtres dans la beauté de leurs difformités et de leurs caractéristiques distinctes. Je rêve du jour où le style guérira notre obsession de la performance et de la normativité. Je rêve du jour où oser les formes, les coloris, les motifs, les tissus, les proportions et les combinaisons autres que celles déjà proposées par la mode réaffirmera la notion de multiplicité et de l’unicité individuelle.

Charles Sirisawat est un blogueur de style basé à Montréal. Passionné par l’industrie de la mode et par le travail d’artisanat, il nous livre sa vision d’une approche au style personnelle, créative et soutenable. Retrouvez Charles sur son blog, son compte Instagram et sa chaîne Youtube.

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