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Les Ouïghours, peuple exploité au service des multinationales

Depuis quelques mois, l’oppression de tout un peuple nommé les Ouïghours, commence à faire scandale dans le monde entier. À mesure que les informations nous parviennent, la gravité de la situation devient évidente. Des entreprises, dont la plupart d’entre nous consomment les produits, se sont révélées être impliquées dans l’exploitation des minorités musulmanes en Chine. Ainsi, ce sujet nous concerne tous directement. Alors, qui sont les Ouïghours ? Que savons-nous de ce qu’il subissent ? Et comment réagit la communauté internationale ? 

Les Ouïghours sont l’une des 56 ethnies qui composent la République populaire de Chine, dominée à 92% par les Hans. Ils sont de religion musulmane et parlent une langue proche du Turque. Aujourd’hui, 11 millions de Ouïghours vivent dans la région du Xinjiang, à l’extrême Ouest de la Chine, l’une des cinq régions autonomes de la République populaire. De par leurs héritages ethniques et culturels, les Ouïghours ont une tendance séparatiste, aspirant à obtenir un territoire totalement autonome, libéré du joug Chinois. Ils se considèrent comme des habitants du Turkestan oriental, république à la courte existence, créée en 1944 avec l’aide de l’Union Soviétique, puis abandonnée et annexée par la Chine en 1949.

Lors des premières années de domination chinoise, le gouvernement de la République populaire a opté pour une politique d’entente. Assez rapidement, avec la révolution culturelle, les politiques d’assimilation entreprises par le gouvernement de Mao Zedong ont annoncé les prémices de ce qui allait devenir, jusqu’à présent, la plus grande abomination du XXIème siècle. Des pratiques visant à réprimer l’héritage culturel et religieux du peuple ouïghour proliféraient dans la région, où des individus musulmans étaient contraints de violer leur dogme, en mangeant de la viande de porc par exemple. 

En 1976, la mort de Mao Zedong met un terme à ces années de persécution et de brutalité. Les politiques drastiques mises en place sous Mao sont remises en question, et le nouveau secrétaire général du Parti Communiste, Hu Yaobang, reconnaît publiquement la culture des minorités locales en affichant une politique de tolérance religieuse. Mais cette période de cohabitation et d’apaisement a été interrompue par les attentats de 2001, où les États-Unis ont amorcé une « guerre contre la terreur » après avoir été pour la première fois touchés sur leur territoire par des forces extrémistes. Dès lors, la Chine entreprend une lutte contre le radicalisme et le djihadisme, en visant principalement ses minorités musulmanes, considérées comme de potentiels dangers pour le pays.

La répression des Ouïghours est aujourd’hui à son apogée. Les témoignages des anciennes victimes opprimées par le gouvernement attestent de traitements inhumains puisque l’on parle de viols, de torture et d’enfermement. L’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, l’actuel secrétaire du Parti Communiste, a considérablement intensifié la répression de cette minorité. Une série d’attentats meurtrier et suicidaire, commis entre 2013 et 2014, menés par des Ouïghours séparatistes ont engendré une réponse plus que radical du nouvel homme fort de la Chine. Xi Jinping, afin de répondre à la menace du terrorisme sur son territoire, a mis en place un système répressif d’une extrême brutalité, visant à écraser ce peuple face à la souveraineté chinoise. Voilà ce qu’il sous-entendait lorsqu’il disait vouloir « régler le problème Ouïghour ». 

La persécution du peuple Ouïghour est connue depuis plusieurs années, alors comment expliquer la réaction si tardive des politiques et de la communauté internationale ? L’apparition d’une étude d’Adrien Zenz le 29 Juin dernier aura, espérons-le, contribué à changer le sort des Ouïghours. Ce chercheur Allemand a fait paraître un rapport où il y dénonce un contrôle coercitif des naissances dans la région, afin de mettre en place « une stratégie plus vaste de domination ethno-racial ». En d’autres termes, éradiquer l’ethnie ouïghoure à petit feu. Pour parvenir à ses fins, le gouvernement chinois dispose de plusieurs moyens. 

Tout d’abord, il pratique la stérilisation forcée des femmes en âge de procréer, en leur imposant le stérilet sous peine d’être envoyées dans des « camps de travail ». Pour éviter des grossesses non désirées (par le gouvernement), les partenaires sont souvent séparés et envoyés dans ces camps où la torture et le viol sont monnaie courante. De plus, les femmes Ouïghoures vivent sous la menace constante d’être sanctionnées pour ne pas avoir respecté les restrictions sur la natalité et encourent le risque d’être enfermées dans des camps pour cause de naissance illégale. La Chine est le seul pays au monde à utiliser ce terme, mettant en évidence son non-respect des droits de l’Homme.

Depuis 2017, des images et vidéos prises par des drones américains et européens ont montré l’existence de ces camps de concentration. À plusieurs reprises, des politiques et diplomates Chinois furent mis face à ces images flagrantes tout en niant leur existence, répétant qu’il s’agissait de camps de formation afin d’intégrer ces individus dans la société chinoise et d’éviter la propagation de religions extrémistes. Déclarations aberrantes, auxquelles aucun politique ou journaliste ne semblaient croire. Si le rapport d’Adrien Zenz a obligé les dirigeants du monde à réagir face à l’horreur de ces événements, c’est parce qu’il regroupe des preuves accablantes quant à la culpabilité de la Chine. Le travail du sinologue, déjà connu pour ses recherches sur les minorités chinoises, est constitué de témoignages, mais aussi de documents administratifs, publiés par les autorités sanitaires locales. Entre autres, l’objectif de stériliser entre 14 et 24% des femmes ouïghoures en âge de procréer y est clairement évoqué. 

Quelle a été la réaction internationale depuis la publication de ce rapport ? 

Les politiques répressives chinoises à l’encontre des minorités ont été condamnées plus ou moins sévèrement. L’Union européenne a réagi plutôt timidement, en demandant à Pékin l’autorisation d’envoyer dans la région une délégation d’observateurs afin qu’ils y mènent une étude indépendante. Les États-Unis ont réagi avec plus de sévérité à travers des sanctions économiques, notamment en plaçant onze entreprises chinoises impliquées dans l’exploitation des ouïghhours sur liste noir. Mais les états peinent à sévir puisque la Chine ne cesse de brandir des menaces économiques, principalement contre l’Europe.  

De ce fait, la société civile a un rôle à jouer. À mesure que nous prenons conscience que certains combats tels que l’écologie ou les inégalités mondiales deviennent des sujets extrêmement urgents, le rôle des multinationales est pointé du doigt. Aujourd’hui, la plupart des grandes entreprises ont des filiales installées dans des pays pauvres, où les droits de l’Homme ne sont pas respectés. Tout au long de leur chaîne de production, elles participent à l’exploitation de ces peuples et engendrent des dégâts désastreux sur l’environnement, sans être tenues juridiquement responsables puisque leur production est délocalisée. 

En Mars dernier, Nike, Zara, H&M, Apple, et d’autres multinationales ont été accusées de se fournir en coton produit dans des camps de travail forcé chinois, ce que les entreprises avaient démenti par la suite. Le 15 Septembre, H&M annonçait avoir rompu son partenariat avec un fournisseur chinois impliqué dans l’exploitation de ce peuple ; de quoi questionner l’honnêteté des multinationales. 

Il est donc essentiel de se renseigner sur la culpabilité des entreprises et de boycotter celles dont nous ne partageons pas les principes éthiques et environnementaux. Sur les réseaux sociaux, on constate un élan de solidarité avec la propagation des #FreeUyghurs, ou encore par la publication d’un carré bleu claire symbolisant la cause Ouïghour, afin de  « rendre visibles les invisibles » selon Raphaël Glucksmann, député européen.  Mais montrer son engagement sur les réseaux ne suffira pas. 

Le combat pour secourir les Ouïghours risque d’être long. La Chine est loin de mettre en danger son contrôle sur la région, en raison de son caractère stratégique (puisqu’elle est frontalière avec huit autres pays), mais aussi parce qu’elle est riche en matière première, notamment en pétrole, en gaz naturel et en charbon. Si les états réagissent peu face à la pression Chinoise et qu’ils ne sanctionnent pas les multinationales qui s’approvisionnent du travail des Ouïghours, il est à nous de nous mobiliser contre ce drame, de nous renseigner sur les acteurs impliqués dans l’exploitation des minorités chinoises, et faire pression pour que cela cesse. Pour commencer, il s’agit de boycotter les multinationales dont l’implication a été prouvée, puis de soutenir chaque pétition afin de soutenir ceux qui se battent pour les droits de l’Homme. Car nous n’avons pas basculé dans le règne de l’impunité ou du fatalisme ; nous pouvons encore changer le cours des événements en nous mobilisant. 

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