Quelle réalité réside dans l’accumulation des vêtements que nous consommons ? Nous vivons dans une ère où l’éphéméride des vêtements de masse a tendance à former l’esprit de notre style vestimentaire, engendrant une perpétuelle insatisfaction et une forme d’anxiété quant à notre potentiel de séduction. Pour ma part, vivre dans la réalité va bien au-delà de la possession d’un vêtement neuf. Développer sa sensibilité face à l’empreinte écologique et au cycle de fabrication et de vie d’un vêtement peut contribuer grandement à notre indice de bonheur collectif. En tissant un lien de mutualisme entre le créateur et soi-même, les frontières entre l’illusion du luxe et des rêves conférés par l’industrie du textile disparaissent. C’est une nouvelle réalité qui voit alors le jour. Là où l’unicité de tous les êtres vivants peut s’exprimer en coopération.
Malheureusement, notre réalité est bien souvent fondée sur nos préconceptions et sur l’ignorance du coût humain, industriel et écologique du savoir-faire. Pour cette raison, un vêtement détaillé à 50 $, mais soldé à 10 $ révèle une réelle déconnexion entre son idéation, sa confection, sa distribution et son impact environnemental post-consommation (entretien et recyclage).
Je crois au contraire qu’un vêtement devrait nous procurer une connexion émotionnelle intense en adéquation avec nos valeurs. Plutôt que de nous dissimuler, notre style devrait mettre l’accent sur notre personnalité. Se vêtir devient alors un agent de socialisation, un premier contact avec notre intériorité, et une forme de résistance au système d’oppression des marques de vêtements à logos géants ou de fast-fashion qui prétendent vendre le luxe d’une vie saine et stylée. Le style ne devrait pas se définir par le rapport de soumission aux dictats des marques; lesquelles ne peuvent pas nous offrir l’amour altruiste d’un vêtement bien conçu.
Pour ma part, la prise de conscience et la fierté de porter un vêtement bien conçu m’inspirent davantage que la possession excessive de vêtements dépourvus de portée symbolique réelle. Je crois que la valeur monétaire d’un vêtement est un moyen permettant de respecter les conditions sociales, économiques et environnementales, et de mieux s’aimer les uns et les autres. Ainsi, celle-ci ne devrait pas se transposer dans un discours élitiste.
En répondant à l’industrie du textile par nos choix vestimentaires conscients, nous ne sommes plus les victimes de nos réflexes de surconsommation et de l’épuisement de nos ressources naturelles engendrés par l’anthropocentrisme. Notre style devient un projet affirmatif et accessible à tout un chacun. Peu à peu, nous avons le pouvoir de nous transformer en piliers incarnant une solidarité stylistique.
Au lieu de me marginaliser, mon style m’éclaire dans mes décisions. Au quotidien, je le remercie en embrassant le réel luxe qu’il me procure : celui de la sérénité d’une société élevée par le potentiel créatif, et dénuée de tout rapport de soumission. Empreint d’un sentiment de plénitude, mon style me permet de tout faire (ou presque) et m’offre la réalité que je souhaite concrétiser.
Charles Sirisawat est un blogueur de style basé à Montréal. Passionné par l’industrie de la mode et par le travail d’artisanat, il nous livre sa vision d’une approche au style personnelle, créative et soutenable. Retrouvez Charles sur son blog, son compte Instagram et sa chaîne Youtube.