Pour faire suite à la première partie de ce dossier sur le festival MURAL, ainsi qu’à notre album des murales de cette année, voici deux entrevues avec des artistes muralistes que j’ai pu rencontrer lors de l’événement. Il s’agit de Mc Baldassari, dont la murale se trouve dans la ruelle au nord de Prince-Arthur, entre Clark et St-Laurent, et Astro, dont la murale est visible dans un parking sur Clark entre Rachel et Duluth.
Pendant ces entrevues, je me suis notamment efforcée de garder à l’esprit les questions que j’avais abordé dans la partie précédente de ce dossier sur la tension entre la légalité du festival et le caractère traditionnellement illégal du street art.
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MC BALDASSARI

Mc Baldassari est une artiste visuelle et illustratrice expatriée à Montréal depuis 4 ans, qui a notamment participé à Fresh Paint.
Comment en es-tu venue à participer au festival MURAL?
J’ai été sélectionnée. L’année passée, j’ai proposé un sketch, parce qu’il y a un seul mur dans tout le festival qui est destiné à l’appel de dossiers. Donc ils font un appel de dossiers à chaque année et ils sélectionnent un artiste qui va faire ce mur-là. L’année passée, j’avais fait l’appel de dossiers et je n’aavais pas été sélectionnée. Mais cette année, ils m’ont contactée pour faire une murale. Donc je suis bien contente!
Est-ce qu’il y a d’autres types d’art que tu pratiques, à part ceux qui relèvent plus de la peinture?
En fait, c’est ma plus grosse murale. Je fais pas tant de murs que ça, j’en ai fait peut-être en bas de dix et c’est pas des gros, donc je fais beaucoup de toiles pour des expositions, de l’illustration. Ça va du logo, au portrait, en passant par le tattoo. Je fais pas mal toutes sortes d’affaires, je suis très multidisciplinaire et ouverte à toutes sortes de projets, tant que j’ai le goût de le faire. Même si c’est différent, justement: c’est un bon challenge et je vais le faire.
Est-ce qu’il y a une ville, une région ou un pays où le street art t’inspire en particulier?
Ben le Québec, parce que je suis là, parce que je le vois. Après, c’est sûr qu’il y a des artistes un peu partout. C’est pas tant l’endroit, parce que justement ces artistes-là, souvent ils bougent beaucoup. C’est cool de voir qu’ici c’est quand même accepté et «exploité». Je sais pas si c’est le bon mot, y’en a qui vont me haïr que je dise ça! Mais non, c’est ça. Apparemment, en France, c’est beaucoup moins toléré et beaucoup moins présent.
En parlant du cadre particulier au Québec, est-ce que, s’il y en a un, ton art sert à faire passer un message (social, politique, etc.) qui est plus large que l’œuvre matérielle en soi?
Pas du tout! Dans les sujets, dans ce que je dessine, y’a rien, absolument rien de politique ou d’engagé. Ça veut pas dire que si un jour, j’ai un truc que je veux dire par là, je vais pas le faire. Mais, dans l’ensemble, mon truc à moi, c’est de dessiner ce que j’ai envie de dessiner, de me faire plaisir. Puis j’espère faire plaisir au monde qui regarde ce que je fais. Y’a ben des affaires sérieuses tout le temps, donc ça, je le prends un peu moins dans ce sens-là. Après, dans mes œuvres que j’expose en galerie, y’a peut-être plus quelque chose d’engagé dans les supports que j’utilise. Quand j’ai commencé, j’utilisais du bois que je trouvais dans la rue parce que je n’avais pas de sous pour m’acheter des toiles. Puis, au fur et à mesure, c’est devenu quelque chose: j’ai aimé dessiner là-dessus, puis j’trouve ça cool c’est jamais pareil, le support est jamais le même. Donc je récupère toujours, c’est rare que j’achète un truc pour «peinturer» dessus: je trouve un bout de bois, je le ramasse… ou au pire, j’vais «pogner» des vieux cadres au marché aux puces. C’est de la récupération et de se dire: «Toi, t’as jeté ça, tu pense que c’est plus bon? Ben moi je le récupère, pis j’va faire de quoi dessus!». T’en fais quelque chose qui va dans une galerie, ça questionne un peu l’objet, ce qui est obsolète, ce qui ne l’est pas.
Si tu pouvais faire une murale sur n’importe quelle bâtisse au monde, ce serait laquelle?
Grosse question! Je ferais probablement de quoi sur des trucs assez industriels. Tu sais comme les silos, des affaires de même. Ça j’aime ça. Les vieux trucs rouillés, puis super industriels. Ça, ça me plairait. J’en ai pas un en particulier, mais… quoique le silo n°5 dans le Vieux-Port, je dirais pas non! En même temps, j’y toucherais pas parce qu’il est beau comme ça.
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ASTRO

J’ai clos ma section «muralistes» avec Astro, artiste local reconnu sur la scène internationale, qui est réputé pour le perfectionnement de sa technique Wildstyle.
Comment en es-tu venu à participer au festival MURAL?
En fait, j’ai reçu un courriel du festival même pour me demander si je voulais participer et, évidemment, j’ai dit oui. Mais je les connaissais un peu avant, c’est des amis, des bonnes connaissances. Donc ils connaissaient mon œuvre, je les connais. C’est un peu de la famille, quoi.
Je vois que tu peins à la bombe. Je me demandais si tu peignais parfois au pinceau?
Moi, je peins toujours à la bombe. Sauf pour ce mur-ci, pour MURAL, j’ai fait mon remplissage au latex, puisque mon mur était tellement grand. Puis le choix de couleurs était pas super non plus, donc j’ai préféré y aller au latex, puis je reviens au final au contour à la bombe.
S’il y en a un, est-ce que ton art a un message à faire passer (social, politique, etc.) de plus que l’œuvre matérielle en elle-même?
Y’a pas vraiment de message. Moi je viens du monde du graffiti où le seul message, c’est ton nom, puis ton style. Donc dans mes œuvres, non, y’a pas vraiment de politique, de message en tant que tel. Y’a peut-être une ambiance qui se crée avec le style. Donc parfois, ça peut être plus joyeux, un peu plus dark, un peu plus ci ou ça. Mais non, pas de message, c’est vraiment le style.
Est-ce que ça change de produire une œuvre dans un cadre légal et encadré, organisé, par opposition à ce qui est graffiti ou street art plus traditionnel? Penses-tu que c’est possible de faire les deux?
Oui, il y a toujours eu depuis des dizaines d’années des festivals de graff, que ce soit graffiti traditionnel ou street art ou de grandes murales comme ça. Quoi qu’il se passe, il va y avoir le graffiti illégal, puis, à côté de ça, il y a de temps en temps des festivals de graff ou de street art comme celui-ci. Les deux vont ensemble.
Est-ce qu’il y a un pays ou une région en particulier ou le street art t’a inspiré?
J’aime beaucoup l’Europe; l’Espagne particulièrement. La France aussi, ça bouge beaucoup, j’ai beaucoup voyagé là-bas: Barcelone, Madrid, Grenade, Paris. Sinon, j’aime beaucoup aussi l’ambiance de l’Amérique latine. Donc je suis souvent allé au Mexique pour l’ambiance même. Moi, je trouve ça super, il y a beaucoup de murs, énormément de murs, et beaucoup d’artistes qu’on ne connaît pas. Ils ont des milliers et des milliers de graffeurs inconnus et ça bouge énormément là bas.
Dans les volets suivants de notre dossier, je me pencherai sur l’entrevue de Pierre-Alain Benoît, directeur des relations publiques et partenariats chez MURAL, et celle de Zola, artiste visuelle qui a participé aux collectifs Decolonize Street Art et OFF-MuralES.
Écrit par Alexandra Bahary.