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Pollution des océans : le fléau plastique

Pollution des océans : le fléau plastique

Peu coûteux et relativement facile à produire, le plastique a largement détrôné le bois, le verre et le métal dans la fabrication d’une grande variété de biens de consommation. Particulièrement malléable et résistant, il peut servir à pratiquement tout. Mais cette résistance du plastique en fait aussi un défi écologique d’une ampleur sans précédent, notamment en ce qui concerne la préservation des océans.

Devenu omniprésent dans notre quotidien, le plastique est produit et consommé dans des quantités étourdissantes. En 2010, on a produit 265 millions de tonnes de plastique à l’échelle mondiale. Avec des industries sans cesse plus développées et une population mondiale toujours grandissante, la production de plastique dans le monde augmente chaque année d’environ 5%, portant la production de 2015 à plus de 300 millions de tonnes.

Cette consommation effrénée de plastique revient à un coût élevé pour l’environnement. Prenons par exemple les sacs en plastique à usage unique, distribués dans la grande majorité des commerces. Les seuls Américains jettent chaque année 100 milliards de ces sacs, qui mettent en moyenne 450 ans à se décomposer. Recycler l’ensemble des sacs jetables est impossible, sans même parler de tous les autres produits plastiques.

Marées de plastique

Embouchure de la rivière Los Angeles, Long Beach, Californie. (Photo : Bill McDonald, Algalita Foundation - Heal The Bay/Flickr)

De nombreuses villes côtières du monde sont aujourd’hui frappées par de véritables marées de plastique : Manille, Jakarta, Mumbai, Bali, îles Midway, Hawaï, Los Angeles… la liste est longue.

Mais les zones habitées ne sont pas les seules à être touchées par la pollution au plastique. Au milieu des océans, concentrés par les courants, on trouve des millions de débris de plastique. Le plus connu de ces dépotoirs marins est le vortex de déchets du Pacifique nord (Great Pacific Garbage Patch ou GPGP en anglais). Mais il en existe en fait cinq, répartis entre les océans Pacifique, Atlantique et Indien.

Il est difficile d’évaluer la superficie du vortex de déchets du Pacifique nord étant donné que, contrairement à une croyance répandue, il ne s’agit pas d’une île compacte de déchets. Ce sont plutôt des milliers de kilomètres carrés, où flottent, jusqu’à 10 mètres sous la surface, des débris de tailles variant entre plusieurs mètres de long et seulement quelques millimètres.

Lourd tribut écologique

Ces milliers de tonnes de débris de plastique flottant dans les océans posent une série de problèmes environnementaux alarmants pour les décennies à venir.

Chaque année, des milliers d’animaux meurent à cause du plastique qu’ils mangent. Des dizaines d’espèces de poissons et d’oiseaux sont menacés. Le plastique qu’ils ingèrent peut en effet lacérer l’intérieur de leurs organes, causant des blessures qui engendrent, à terme, leur mort. D’autres meurent aussi parce que le plastique qui remplit leur estomac prend l’espace normalement destiné à leur nourriture et les affame.

La présence de tout ce plastique flottant cause aussi un déséquilibre dans les écosystèmes. Plusieurs espèces animales, comme les bernaches, les crabes ou encore les gerridés - ces insectes qui patinent à la surface de l’eau - vivent sur les surfaces dures que l’on peut trouver dans l’eau.

En temps normal, ces animaux ne s’aventurent que rarement en haute mer, étant donné le nombre limité de surfaces dures sur lesquelles ils peuvent vivre. Avec les quantités importantes de plastique qu’on trouve maintenant à la surface des océans, ces espèces peuvent se reproduire dans des proportions anormales. Une telle croissance de leurs populations risque de dérégler l’équilibre des écosystèmes où elles se trouvent, puisqu’elles entreront en compétition avec les espèces locales dans la recherche de nourriture.

Certains animaux qui s’agrippent au plastique pour coloniser de nouveaux habitats posent aussi problème. Après le tusnami de 2011 au Japon, des quantités énormes de débris ont été rejetées à la mer et ont servi de radeau à de nombreuses espèces animales.

On a ainsi vu apparaître sur les côtes américaines et canadiennes des espèces asiatiques auparavant absentes. Certaines d’entre elles, comme l’étoile de mer japonaise, sont très invasives et agressives, et menacent de remplacer les espèces locales.

L’étoile de mer japonaise, Asterias amurensis. (Photo : Wikimedia Commons)

Mais les risques sont aussi réels pour l’homme. Dans l’océan, le plastique se désagrège sous l’effet du soleil et des courants, et des microparticules se créent. Ces particules se mélangent ensuite au plancton et, quand les poissons mangent ce plancton, ils mangent inévitablement du plastique avec. Au fur et à mesure que les gros poissons mangent les petits, le plastique remonte la chaîne alimentaire, pour finir dans nos assiettes.

C’est là que réside le danger pour les humains, puisque le plastique contient des éléments toxiques qui peuvent causer une variété de problèmes, comme une baisse de la fertilité masculine, des pubertés précoces, des malformations congénitales et même des cancers.

Des solutions à l’étude

Pour répondre à ces problèmes, plusieurs solutions sont en cours de développement.

L’une des manières les plus simples de limiter la pollution au plastique est avant tout d’en limiter la production. Plusieurs villes du monde ont ainsi décidé d’interdire ou de taxer les sacs en plastique à usage unique. San Francisco et de nombreuses villes californiennes appliquent déjà ces mesures, alors que Montréal devrait y souscrire en 2018. La Chine, un des plus grand pollueurs au monde, a déjà interdit les sacs de plastique à usage unique en 2008 et la France devrait franchir le pas au cours de 2016.

Des chercheurs travaillent aussi à développer des gammes d’emballages comestibles ou solubles dans l’eau. Les emballages plastiques et la pratique du suremballage systématique des aliments et autres biens constituent en effet une source majeure de déchets plastiques. Par exemple, l’Européen moyen produisait ainsi 156.8kg de déchets d’emballage en 2012, dont 19% de plastique.

D’autres initiatives ont pour but de nettoyer la surface des océans du plastique qui y est accumulé. C’est le pari de deux surfeurs australiens qui ont mis au point le Seabin, un système simple capable d’aspirer les déchets et les huiles flottant à la surface de l’eau.

Des projets à plus grande échelle ont aussi vu le jour. Celui qui suscite le plus d’espoir, a été imaginé par Boyan Slat, un Néerlandais de 21 ans. Son idée : bâtir une barrière flottante qui permettrait de récolter le plastique flottant en se servant des courants marins. Cette barrière en forme de V est dotée, à la pointe intérieure du V, d’un silo, destiné à récolter le plastique concentré le long de la barrière.

Après une conférence TEDx, qui a recueilli plus de deux millions de visionnements en 2012, Slat a lancé une campagne Kickstarter qui lui a permis de récolter 2,27 millions de dollars. Il a aussi reçu le soutien de plusieurs grands philanthropes européens et américains. Son équipe et lui vont tester le système à l’été 2016, au large du Japon.

Ci-dessous, un segment de la video de l’Economist « The World in 2016 » (« Le monde en 2016 »), qui revient sur le problème de la pollution au plastique et sur le projet de Slat.

Écrit par Manuel Ausloos-Lalanda.

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Photo de couverture : Marine di Vernole (Lecce), Salento, Sud de l’Italie, 2008. Photo par Paolo Margari/Flickr.