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Pourquoi les 80s Reviennent, Step by Step*

*Petite référence à un tube des 80s, Step by step, de Koxo (1982)

C’est la révélation de ce début 2018 et elle tient en cinq mots : Call Me By Your Name. Un film comme il ne se faisait plus. Ou comme il ne se faisait pas encore. Sous le soleil de l’année 1983, la famille Perlman est installée dans sa maison de vacances italienne, en Lombardie. Elio, fils prodige incarné par le jeune et talentueux Timothée Chalamet, passe ses journées à lire et transcrire de la musique classique. Le père, brillant professeur de lettres et d’histoire gréco-romaine, invite chaque été un doctorant pour l’aider dans ses recherches. Les Perlman ont jeté cet été-là leur dévolu sur Oliver, plus américain qu’américain, qui devient très vite la “movie star” de la maison. Elio et Oliver apprennent à se connaître, sont complices puis l’instant d’après indifférents, mais cette indifférence sera bien souvent feinte. Les sentiments sont là et prendront tôt ou tard le dessus. Sooner or later chantait Larry Graham en 1982. Ce sera plutôt later que sooner pour Elio et Oliver.

 

Call Me By Your Name - CMBYN pour les adeptes - mérite toutes les louanges. Le roman originel d’André Aciman était déjà un miracle d’émotions et d’écriture. Luca Guadagnino a su retranscrire à l’écran ces sentiments à vif, crus, et ces jours d’été inaltérables qui finalement s’achèvent. Lors d’une scène presque déjà devenue mythique, Oliver se déchaîne sur le dancefloor à ciel ouvert du petit village italien proche de la demeure des Perlman. La scène est surnaturelle parce qu’Armie Hammer réussit à rendre son jeu libre, intense et spontané. La beauté de cette séquence est aussi liée à sa musique ; la chanson sur laquelle Oliver danse n’est autre que Love My Waydes Psychedelic Furs. Bijou rock sorti en 1982, il est à l’image de beaucoup de morceaux créés durant cette faste période musicale : inventif, bien rythmé et un brin déjanté. C’est ainsi que CMBYN dépeint un superbe premier amour dans le même temps qu’il nous ramène à une période musicale absolument dingue. Une petite revue musicale 100% 80s s’impose donc.

 

 

Les 80s, en musique, c’est tout d’abord Michael Jackson, un chanteur, musicien et danseur hors pair devenu le King of Pop dans le même temps qu’il a révolutionné le genre du clip musical - Thriller se regarde d’ailleurs toujours sans modération. Les 80s, c’est aussi l’apogée de déesses aux voix de gospel, telles que les Pointers Sisters ou Aretha Franklin. Toutes ont aligné les tubes, pour notre plus grand plaisir ; pour les Pointers Sisters, on citera entre autres I’m So Excited, Jump (For My Love) ou le plus tendre Slow Hand. Pour la reine Aretha, les années 80 ne marquent pas le début de sa carrière, puisque cela fait déjà vingt ans que la chanteuse enchaîne les morceaux mythiques. Seulement, en 1982, la star sort Jump To It, produit par Luther Vandross. Plus parfait, on ne fera pas ! Les 80s se sont ainsi érigées en décennie funky, insouciante, intemporelle. En 1984, les membres de Kool & The Gang chantaient « She’s fresh / She’s so fresh » à propos d’une femme mystérieuse. Leur joli refrain pourrait aussi qualifier leur délicieuse musique. La décennie 80 est aussi celle de George Benson, jazziste à la base, mais dont l’incroyable et atypique jeu de guitare a vite fait d’étendre son style vers la pop et le R&B. C’est avec Give Me The Night qu’il se rapproche de ces styles musicaux, alors que Breezin’ est un pur produit jazz.

 

 

 

‘Cause there’s music in the air / And lots of loving everywhere.Yes, George !

George Benson en couverture de son album Give Me The Night, sorti en 1980.

 

Du groove, des voix extraordinaires et des sublimes lyrics ; les 80s auront donc porté au firmament des artistes à la célébrité toujours planétaire, des génies musicaux immortels. Seulement, certains chanteurs et compositeurs demeurent plus oubliés, quoique tout aussi talentueux. Petite pensée donc pour Brandi Wells avec Watch Out, Terri Wells avec I’ll Be Around ou encore Voggue avec Dancing The Night Away. Un clip démentiel s’impose pour achever cette parenthèse musicale ; celui de Don’t Look Any Further, de Dennis Edwards, accompagné de la magnifique Siedah Garrett. Le leader des Temptations, puis chanteur solo, nous a récemment quittés début 2018. Dans Don’t Look Any Further, lui et Siedah, alors en couple, s’en donnent à cœur joie, peut-être un peu cokés. Leur clip nous rappelle à juste titre que la musique n’est pas seulement un business ou de l’entertainment ; rire et prendre son pied, elle est là aussi la beauté.

 

 

 

Sur les podiums aussi, les 80s reviennent en force. Vestes à l’immense carrure, tailleurs d’homme, allures ceinturées, paillettes à gogo… La mode semble pleurer une époque où l’exubérance avait du goût. Certains sont des inconditionnels de la période, comme Vogue Paris ou le couturier Alexandre Vauthier, pour qui les 80s constituent une douce rengaine. Mais depuis plusieurs saisons, tous s’y mettent. Saint Laurent fait ainsi défiler des filles aux jambes dénudées et interminables, contrebalancées par des vestes à forte carrure. Et si les jupes sont plus que mini - elles sont micro ! - l’équilibre de la tenue est rétabli par des hauts à plumes féériques. A la rédaction du Vogue British, récemment chamboulée par l’arrivée d’Edward Enninful, la couverture de décembre 2017 s’inspire également de cette faste période, tandis que la publication de février 2018 de Vogue Paris fait encore une fois la part belle à cette décennie. C’est Kaia Gerber qui mène la danse en une du magazine ; la jeune femme n’est autre que la fille de Cindy Crawford, mannequin star absolu des années 1980. C’est bien simple : on est 80s ou on ne l’est pas.

 

Les 80s, source d’inspiration inépuisable pour Vogue Paris. Let’s party !

Anna Ewers photographiée par Inez & Vinoodh, Vogue Paris, Mai 2015

 

On ne peut pas discuter 80s, cinéma et mode sans parler de Working Girl de Mike Nichols, sorti en 1988. Si le réalisateur est plus connu pour The Graduate, son chef d’œuvre avec Dustin Hoffman, Working Girl n’en reste pas moins un bon film, en dépit de quelques faiblesses. Le spectateur suit les pérégrinations de Tess McGill, assistante de direction dans une grande banque d’investissement de Wall Street, incarnée par Melanie Griffith. Exploitée par sa supérieure, Katharine Parker - excellente Sigourney Weaver - Tess n’hésite pas à prendre sa place lorsque celle-ci se blesse malencontreusement lors d’un séjour au ski. Mais quand le beau Harrison Ford débarque dans ce subtil jeu de rôles, tout s’enchaîne. De fait, l’attrait de Working Girl réside dans son scenario bien ficelé, ses situations cocasses, la beauté de ses acteurs, la musique de Carly Simon. Ce cocktail réussi pourrait le classer - trop rapidement - dans la catégorie comédie romantique. Mais le film ne peut se résumer qu’à cela. Il dépeint aussi la revanche d’une femme dans un milieu d’hommes, un plafond de verre qui se brise sous l’influence d’une détermination sans faille. Si l’interprétation que donne Melanie Griffith semble par moments naïve et légère, l’idée est pourtant bien là ; un esprit aiguisé, un sens de l’analyse à toute épreuve et l’obstination devraient permettre à toute femme d’accéder aux fonctions auxquelles elle souhaite prétendre. Si aujourd’hui - trente ans plus tard - l’égalité hommes/femmes semble avoir progressé, beaucoup de chemin reste encore à parcourir. Dans cette optique, il faut prendre le travail de Mike Nicholsas a nice reminder : tout est encore possible et tout reste à faire.

 

 

Une femme aux commandes. Melanie Griffith et Harrison Ford dans Working Girl de Mike Nichols

 

Que retenir donc du retour de cette flamboyante période ? En musique, c’est un retour aux sources, puisque les 80s ont posé les fondations de notre musique actuelle. La modernité de la période est aussi à rechercher du côté d’une androgynéité assumée et rutilante ; on pense alors à Sylvester et son hymne disco You Make Me Feel, récemment repris comme bande-son dans le dernier film d’Abdellatif Kechiche, Mektoub My Love : Canto Uno. En ce sens - et la mode de cette période ne fait que le confirmer - les 80s mettent en avant l’affirmation de soi, sans compromis et sans prérequis de genre. Dans le même temps, les femmes oscillent entre vestes d’homme taillées à la perfection pour la journée et parures étincelantes en soirée. Alors qu’elles briguent davantage de postes réservés jusqu’alors aux hommes, le soir - et surtout le samedi - est un moment d’insouciance et de pur plaisir, où les corps valsent au tempo de multiples hits 80s. Comme dans Call Me By Your Name, nous sommes en 1983, la nuit est sans fin, Get Down Saturday Night joue dans les ghetto blasters, les corps se déchainent et se rapprochent… Pourquoi diable n’a-t-on pas inventé une machine à remonter le temps ?

 

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